Entre chatte et araignée ! [avec Helena Kyle]

Excitée mais également stressée, Angela Mills était étendue sur son lit, ses pieds nus en appui sur le matelas. Elle croisait les jambes, les étirait, les décroisait comme une sorte de petit jeu taquin avec elle-même, avec douceur et délicatesse. Puis, elle s'arrêta un instant et se gratta la cuisse du bout du pied avec souplesse avant de reprendre son jeu inlassable de croisements et d'étirements. Ça faisait près d'une heure qu'elle flânait et ça faisait pratiquement autant de temps qu'elle jouait à ses petits jeux enfantins. Son regard était porté en direction des fentes lumineuses sur le mur d'en face, et elle les regardait avec un intérêt malsain. Elle s'était habitué au contact des deux ovales qui l'observaient avec une fascination sans vie, leur forme de prédateur étirée qui ne fléchissait pas sous le regard de la belle. Elle, toujours couchée qui renvoyait ce même regard aux deux yeux inanimés, comme un démon, elle souriait sans même s'en rendre compte, son esprit à moitié perdu dans ses pensées.
Puis, elle détourna les yeux comme perturbée par cette chose inanimée qui fixait toujours dans sa direction, ou peut-être était-ce la sombre pensée qui l'avait traversé un instant.

Se reconcentrant sur autre chose, la blonde leva les yeux vers la montre murale avant de soupirer. Vingt-deux heures passé, ce qui signifiait que tous les chats étaient gris à cette heure-ci. Et quand elle pensait à des chats, l'image du félin disparaissait de sa tête pour laisser place à celle d'hommes habillés de noir, squattant les ruelles alentours tout en faisant leur business malsain et trafics en tout genre. Les armes, la drogue ou la prostitution. Que de luxure qui naissaient le soir. Mais le soir, parfois, naissait quelque chose d'autre, quelque chose de différent, quelque chose qui allait laisser son empreinte dans les mémoires à jamais. C'est le soir que la peur naissait.... Angela l'avait découvert il y a maintenant un an de cela. Cette poigne de force qui avait laissé son empreinte à jamais sur elle comme une griffure maudite qui ne la quittait plus. La peur.
Maintenant, elle aussi allait insuffler cette peur à ceux qui croyaient intouchables.

Et advienne que pourra.

La miss se leva enfin, décidée, elle marcha jusqu'au mur et attrapa la tenue séparée sur trois cintres différents. D'abord le bas, un pantalon noir très élastomère qu'elle enfila par-dessus sa culotte, puis une paire de ballerines roses plus rigides mais d'une souplesse étonnante. Ensuite elle attrapa le haut, qui était taillé dans la même matière que tout le reste et dont elle eut plus de mal à enfiler. La matière résista un instant puis se détendit avec l’élasticité caractéristique de l'invention des Mills. Elle se sentait comme nue avec cette seconde peau sur le dos. Nue mais légère, ce qui n'était pas désagréable tout compte fait.

L'interrupteur de sa chambre s'alluma d'un "click" caractéristique. La glace refléta son image et elle s'admira un instant comme une ado essayant sa robe pour le bal de fin d'année. Pas mal du tout, acquiesça-t'elle. Puis elle compléta sa tenue en chopant la veste légère. Le motif blanc de l'araignée qui arpentait son dos ressortait bien, se disait-elle avec fierté. Ce fut au tour du lance-toiles, un petit appareil qu'elle plaça autour de ses poignets et au creux de ses paumes, qu'elle recouvrit de gants noirs, également, sur lesquels des griffes terminaient l'accentuation de ses doigts fins. Il ne restait qu'une seule pièce manquante pour qu'elle soit fin prête. C'était une cagoule. La même cagoule aux yeux luminescents qui la fixait depuis une bonne partie de la soirée lorsqu'elle était dans le noir. Angela regarda une dernière fois le masque puis l'enfila et ne fit qu'un avec la peau effrayante. Son miroir lui confirma qu'elle était devenue l'horrible créature masquée, cette horrible vision de cauchemar adopta la pose d'Angela lorsqu'elle mima un geste expressif du majeur, il lui renvoya également l'image incertaine d'une jeune femme faisant mine de se mettre du rouge à lèvres. Le résultat était parfait alors elle arrêta de se regarder. Son propre reflet commençait à lui donner la gerbe à force de le fixer. Ce n'était qu'un masque, pourtant. Juste un putain de masque, qui la fixait comme si il allait bondir sur vous depuis les ténèbres, chose à laquelle elle ne s'attendait évidemment pas, si ?

Elle sortit discrètement de chez elle par le balcon après avoir vérifié que personne ne la regardait. L'échelle de sécurité grinça un moment mais elle arriva en bas et se laissa tomber des près de deux mètres de hauteur. La position qu'elle prit en tombant étouffa le bruit de son poids, à moins que ce ne fut sa tenue. Elle s'engagea ensuite dans l'allée, comme si de rien n'était, en rasant le plus possible le mur droit afin de se fondre dans l'ombre. Mais pour quoi faire au final ? se demande-t'elle. Aucune idée ne lui vint en écho pour répondre à son interrogation, du coup, elle marcha tout en refoulant certains souvenirs à la frontière de sa tête qui essayaient de se frayer un chemin pour la faire réagir.

Réfléchis, Angie, se dit-elle alors.

Que faire lorsqu'on est équipé de lance-toiles prototypes ? La réponse était évidente. Les tester, bien entendu. Elle avait pu les tester ce matin même. Pressant la gâchette au creux de sa paume, un fin fluide de toile avait volé en direction d'une tasse de café malchanceuse. Elle avait envoyé ensuite la malheureuse tasse s'écraser contre le mur du salon, manquant de peu de toucher la télé. C'était concluant pour elle mais pas suffisamment pour exprimer un cri de joie. Alors, anxieuse, la peur au ventre, elle se retrouvait là, ici présente, dans cette rue qu'elle ne connaissait pas en quête d'aventure, en quête de nouveauté et d'un sentiment qu'elle n'arrivait pas encore à identifier. Immédiatement après être arrivé en bout de ruelle, elle se blottit contre le mur et jeta un coup d’œil rapide de gauche à droite. Personne. C'était désert, alors elle se risqua à traverser toute la rue en courant, les seules lumières visibles provenaient des boutiques alentours et de la source des réverbères. Ses pas furent étouffer en partie par le "second skin", sa nouvelle peau qui faisait d'elle une justicière. Angela s'engagea dans la ruelle en un instant sans attirer l'attention, du moins le croyait-elle. Voulant d'autres tests, elle planta ses longues griffes dans le mur de brique lors de sa course et observa les trois trainées lézarder le mur de petites balafres.

Woah !

Elle réprima le petit sourire qui se dessinait sous sa cagoule-masque, comme une gamine qui fait une bêtise dont elle est limite fière, quand soudain une voix déchira le silence temporairement installé suite à son action.

"Tu ne t'es jamais demandé ce que ces griffes feraient sur un corps humain ?"

Son cœur faillit s'arrêter. Elle regarda derrière elle aussitôt, mais ne vit rien. Alors elle regarda au-dessus d'elle, sans plus de résultat. Rassemblant le plus de courage possible avant de formuler d'un ton bas:

-Quoi ? Q-Qui est là ?

C'était pas la chose la plus intelligente à demander en cet instant. Qui que ce soit, elle s'en fiche complètement en fait. Pourquoi la suivait-on ? Peu importe, elle reposa la question mais d'une voix plus assurée qu'auparavant tout en continuant de chercher la source de la voix, puis tenta une menace pour faire réagir.

-Montrez-vous ou vous allez le regretter !

Le ton assuré de sa voix la rassura mais la rendit également mal à l'aise. Quelque chose lui flanqua la frousse. Le ton qu'elle avait employé était similaire au ton de la voix entendu, c'était impossible, bien sûr. Angela savait quand elle parlait d'elle-même, or, elle n'avait pas prononcé le moindre mot avant cela. Oh non... Ça y est, ça recommence. Les voix, les sensations d'angoisse et cette impression profonde qu'elle avait de ne pas être elle-même pendant quelques instants. Ses médicaments, qu'elle négligeait un peu trop ces derniers temps, devait probablement l'attendre sur sa table de chevet ou même à l'intérieur ou peut-être même dans sa corbeille.
La belle se ressaisit un instant et respira lentement de grandes bouffées d'oxygène pour se calmer. Une inspiration, une expiration et rebelote.

Tu n'es pas folle, Angie, tu n'es pas folle. Tu es juste un esprit brillant surmené désirant apporter du changement sur terre. Alors tu vas respirer et avancer. En rentrant tu sauteras sur cette pizza froide au frigo et tu iras dormir.

Ce qu'elle fit illico presto en accélérant la cadence. Tous les esprits les plus brillants du monde ont parfois une lueur d'excentricité en eux. Se parler à soi-même en fait sûrement parti.

Angela marcha plusieurs minutes, maintenant plus calme, et changea fréquemment de direction au point de ne plus savoir où elle allait. Mais elle était calme et c'était le principal. Finalement, elle s'arrêta et une nouvelle bouffée d'angoisse l'envahie.
Plus loin, une activité se distingua, alors elle en oublia la situation qui l'avait amené à stresser. Ses pensées éphémères chassées, elle observa l'individu qui gesticulait maladivement en faisant de grands signes aux personnes qui l'accompagnaient. Le grand ressemblait à un dealeur. Il portait un chapeau feutre qui venait casser le look de la casquette-jeans-débardeur qu'on attribuait fréquemment à ces types. Quand aux deux autres, ils ne devaient pas être bien vieux. Des mineurs à coup sûr.

De sa poche, l'homme sortit un petit spray et l'exhiba entre ses deux doigts pour le présenter aux deux individus. La discussion se poursuivie mais à cette distance Angela n'entendait pas une bribe de leur conversation. Elle regrettait presque de ne pas avoir d'appareil espion télécommandé qui lui permettrait d'écouter en toute sécurité des cas de figure comme celui-ci.
Après quelques instants, le dealeur disparut avec les deux clients qu'il entraina dans une allée adjacente, laissant la jeune blonde perplexe dans son coin avec plusieurs questions qui la taraudaient.

De longues minutes s'écoulèrent, puis un cri retentit de la dite ruelle. Faible d'intensité puis accentué et répercuté tandis que les deux jeunes gens sortaient en courant. L'un d'eux éclata de rire à mi-course, presque instantanément imité par le deuxième. Pourquoi pas...
Ils reprirent leur route après avoir échangé quelques mots.
La jeune araignée hésita, ne sachant vraiment pas comment aborder cette situation, elle savait cependant que la drogue c'était très mal. Un vrai délit selon elle. S'injecter le contenu d'une seringue dans les veines, par le nez ou autre et perdre les pédales petit à petit pour ensuite se saisir d'une paire de ciseaux et frapper, frapper, frapper encore la personne à côté de soi jusqu'à ce qu'elle meurt.

Repenser à ça la rendit folle de Rage alors elle s'engagea en direction de l'allée, qui semblait à priori déserte, fermement décidée à stopper les trafics illicites. Un pas, deux pas, puis d'autres dans cette allée malfamée qui sentait l'urine à plein nez. "Beurk" était un euphémisme sympa pour dire que ça sentait mauvais, mais elle fit mine de ne pas être perturbée, elle continua son chemin jusqu'au moment où elle vit le dealer, son chapeau sous le bras et une liasse de billets verts qu'il compta rapidement entre ses doigts. Le gus était dos à la belle et il ne la vit pas lorsqu'elle s'approcha de son pas de loup. L'avantage tactique lui revenait alors elle saisit sa chance et pointa sa main sur le type, puis l'autre, et pressa le majeur et l'annulaire contre la paume de ses deux mains.

"TWIP" fit le lance-toiles avant de déverser sa substance collante dans le dos de l'homme qui étouffa un cri de surprise. Un "aaaargh" sonore qui finit par disparaitre sous le déluge des turbines des gadgets d'Angela. De son cocon, l'homme donna tout ce qu'il avait comme énergie et se débattit du mieux qu'il le pouvait, freiné par la colle qui englobait son dos, ses bras et bientôt ses jambes. Une fois handicapé totalement, Angela se rua sur lui comme l'araignée qu'elle était devenue et le plaqua contre le mur dans un bruit collant.
Son index se posa ensuite sur le modificateur vocal de la cagoule avant que sa voix ne résonne.

-Les affaires vont bien ce soir ? demanda-t'elle avec une voix autre que la sienne, plus rauque mais également aiguë et avec un excès de rage qu'elle ne contrôla pas. Donne-moi la même chose qu'à tes derniers clients.

-Va te faire foutre, connasse ! J'te donnerai rien. Détache-moi, tonna-t'il avec une vivacité.

-Tu as pensé à demander leur carte d'identité ? Non, je ne crois pas. Donc je repose ma question, attention, je ne la reposerai plus. Que leur as-tu vendu ?

Aucune réponse hormis quelques jurons et propositions déplacées. La bougeotte avait commencé à gagner la jeune femme comme un tique dont elle ne pouvait se débarrasser. Le fait qu'il ne semblait pas la prendre au sérieux n'arrangeait pas la situation. Terrifiée, elle ne dit plus rien. Sa répartie avait fondue comme neige au soleil et elle ne trouvait pas la force d'agir, de passer à l'acte, de le faire parler.

-Parle ou je...

Sa voix trahissait le doute, l'hésitation, la peur. Mais à plus haut degré, la honte, la honte de n'être qu'une petite fille fragile qui avait voulu jouer à la dure juste une nuit. Dans seulement trente minute la toile devrait se désagréger et dans trente minute elle sera loin d'ici, chez elle peut-être, à se déshabiller de cette peau effrayante dont elle n'avait pas su absorber l'essence; l'essence de la peur qu'elle était censée refléter...
Qu'aurait fait la voix qu'elle s'était imaginé un peu plus tôt ? Elle aussi aurait prit ses jambes à son coup comme une grosse lâche ?
Ne réfléchissant pas plus, c'est ce que fit Angela. Elle couru, couru, de toutes ses forces et disparut, incapable de penser à la méthode qu'elle aurait dû appliquer. Le meurtre ne faisait pas parti de ses convictions. Ni aujourd'hui, ni demain.

Après quelques minutes, son souffle se fractionna, sa respiration devint de plus en plus saccadée et elle perdit haleine. Angela freina la cadence de son rythme de course. Ça faisait au moins dix minutes qu'elle fuyait sa propre peur. Haletant, légèrement en sueur, elle se laissa tomber à genoux et retira son masque avant de lâcher un flot de larmes, recroquevillée contre un mur, la tête dans les bras.


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Chaudes dans ses yeux, les larmes coulaient le long de ses joues, humides mais également dénuées de chaleur à mesure qu'elles glissaient sur la peau douce de la blonde. C'était désagréable. Angela balaya ses yeux d'un revers du bras, à défaut de ne pas avoir un mouchoir sous la main. Ses longs cheveux blonds masquaient son visage et leur délicat parfum la calma un instant, juste un instant. C'était son shampooing préféré. Non, pas le sien en fait, celui d'Angela, sa sœur, mais c'était devenu le sien à présent et son effet agissait un peu comme de l'aromathérapie. Ses yeux, quand à eux, étaient rouges et gonflés par l'effet des larmes salées. De si jolis yeux bleus qu'on lui enviait tant et qui avaient brisé les cœurs de quelques garçons,qui baignaient dans le chagrin maintenant. Autant qu'elle ne s'en rappelle, elle ne se souvenait pas avoir pleuré, pas depuis des années, du moins pas depuis le jour où...

Elle est morte, acheva une voix en elle, qu'elle n'avait pas l'impression de connaitre.
Oui, pas depuis ce jour-là, admis-t'elle. Elle bascula sa tête en arrière et son crâne toucha en douceur la surface du mur en béton. Dans le ciel, tout là-haut, les étoiles brillaient et lui rappelaient qu'on était tous libres de notre destin, tous autant que nous sommes. Son destin à elle n'était peut-être pas glorieux mais elle se devait de le prendre en main, d'une manière ou d'une autre.
"Le prix de la réussite est toujours basé sur des sacrifices" se souvint-elle. Une phrase que son père affectionnait particulièrement. C'était ce qu'il lui avait enseigné et c'est de cette conviction qu'elle avait commencé à bâtir sa vie. Ses yeux toujours gonflés, mais asséchés par le souffle de la nuit, elle cramponna son masque un instant et l'approcha de sa tête pour l'examiner de plus près. C'était juste un masque. Très cool pour Halloween mais certainement pas pour elle.

-Sois pas triste, mais je crois qu'on est pas fait l'un pour l'autre, toi et moi.

Sous cette annonce très troublante ressemblant à une rupture, son masque lui rendit l'habituelle expression inanimée sans émotion, hormis ce côté grincheux dont elle l'avait doté, ce qui ne manqua pas de la faire rire un instant. Elle se sentait mieux désormais. Prête à se relever et à rentrer, elle leva les yeux une dernière fois au ciel pour trouver sa motivation parmi elles, ces petits points lumineux qu'on avait baptisé étoiles. Après un instant, elle en repéra une qui brillait plus que les autres. Celle-là. Elle la désigna du doigt quand quelque chose passa rapidement au-dessus de sa tête, le bruit du vent ou d'un corps en mouvement rapide amplifié par la nuit ne tarda pas à déchirer le silence instauré par Angela.
L'adrénaline ne manqua pas de redonner un élan à son cœur tandis qu'elle regardait s'éloigner... une fille ? Oui, peut-être, mais elle s'éloignait à grande vitesse comme tractée par ce qui pourrait-être...

-Un grappin ! acheva la belle sans voix.

A propulsion pneumatique, possiblement, et un câble résistant en métal. Là c'est son cerveau de scientifique qui s'exprimait et faisait l'hypothèse de la chose. Mais que n'aurait-elle pas donné en cet instant pour pouvoir la suivre et la harceler de questions sur cet engin fabuleux. Oui, les scientifiques et inventeurs étaient avant tout de grands enfants fascinés par les nouveaux joujoux. Plus complexe était le jouet et plus leur passion se faisait ressortir, chez Angela Mills comme chez les autres.
Et, peut-être qu'en l'observant un peu plus, juste un instant, elle pourrait comprendre par quel moyen se grappin fonctionnait. Regonflée à bloc, Angela enfila à nouveau son masque après avoir réussie à caser sa tignasse de blondinette à l'intérieur. Avec une nouvelle énergie, elle emprunta la direction que le corps-filant avait suivi et elle se décidait, juste un peu, à essayer de suivre sa trace. Tant pis si tout ceci n'était qu'un échec. A minuit elle serait probablement rentrée et mangerait le cadavre d'une pizza qu'elle avait déjà entamée, se brosserait les dents et irait se coucher tout en oubliant cette soirée.
Le programme lui semblait bien alors elle se bougea les fesses et se dirigea au nord, résolue tant bien que mal à ne pas chercher les histoires ce soir. Sa tête lui imposa l'image du dealeur vulgaire de tout à l'heure et lui rappela que sa formule de toile n'agissait que pendant 30 minutes -qui étaient potentiellement écoulées- alors elle ne préférait pas croiser à nouveau ce type, qui avait sûrement passé la dernière demi-heure à maudire Angela de s'être fait ligoté comme un moucheron.

Angela dépassa le dernier point possible de la "grappineuse" qu'elle avait aperçu. Sa trajectoire de déplacement rectiligne envisageait l'hypothèse qu'elle ne se déplace que de cette façon ou alors qu'elle suive une trajectoire bien précise en fonction des hauteurs des bâtiments. Le toit d'en face avait probablement suivit le passage de la demoiselle, ça, Angela était prête à en parier la moitié d'une pizza froide au frigo. Elle continua son investigation en scrutant les toits des habitations proches mais ne vit plus rien. Plus aucune trace de "justicière" qui fend la nuit à toute vitesse, à supposer bien entendu que ce soit une justicière et pas une criminelle tueuse.
Ses pas et sa directions furent plus hésitants et elle s'était assez éloigné selon elle. Angela ne connaissait pas trop ce quartier. Gotham city faisait peur en journée mais ce n'était rien par rapport à la nuit... Une seule ville; mais deux visages. A la prochaine intersection, si jamais elle ne revoyait plus l'utilisatrice au grappin, alors... elle rebroussera chemin, pour sa sécurité, et surtout car elle a la dalle.

Quel coin luxueux, pensa-t'elle, alors qu'elle dépassait ce gros bâtiment qui masquait toute la visibilité. Les maisons se faisaient plus chic à l'extérieur du Bowery qu'à l'intérieur. On distinguait une nouvelle catégorie de gens qui appartenait à celle des gens aisés voire très aisés. C'est peut-être là que cette fille s'est rendu ? Rien de sûr, hélas, mais c'est très certainement ce qu'Angela aurait fait, dans le cas d'une carrière de criminelle, bien entendu. C'était pas son genre de dépouiller et de prendre ce qui ne lui appartenait pas. Enfin, pas vraiment...
Elle continua de progresser, sans se presser, au milieu d'une allée déserte et faiblement éclairée et rasa le mûr, comme à son habitude, tel un ninja. Un pied devant l'autre en regardant droit devant, elle manqua de taper dans une canette de cola et dû maitriser son geste au dernier moment pour ne pas créer un vacarme. Doucement, idiote, doucement. Elle contourna prudemment la canette et resta en contact avec le mur, baissée à présent, tout en agissant comme une ombre, une chose qu'elle avait l'impression d'avoir fait toute sa vie, mais qui devait très certainement manquer de professionnalisme aux yeux d'une personne réellement entrainée. La belle s'étonna de ne pas avoir provoqué les aboiements des chiens sur son passage. Cependant, elle n'arriva pas à s'enlever de la tête l'image de la veille commère grincheuse, derrière ses rideaux, avec le combiné du téléphone en main qui composait le 911, tout en observant la scène d'une "voyou" en train de rôder dans le voisinage. La police sur les lieux, le comble du comble pour la jolie blonde qui ne rêvait que d'une pizza comme repas et non d'un foutu plat de pâtes à la tomate. Pizza ? Combien de fois elle avait pensé à ce mot en cette fin de soirée ? Probablement une de trop, se dit-elle en entendant son ventre gargouiller.

L'araignée se baissa et écarquilla les yeux en arrivant au bout de la rue. Si la maison juste à côté d'elle était jolie, qu'en était-il de celle d'en face ? Mais ce n'est pas ce qui attira son attention. L'ombre qui passa devant la fenêtre de la grande baie vitrée, juste là-bas, c'était pas elle la fille qu'elle recherchait ? Les lentilles de son masque filtraient la lumière, simulaient l'absence de lumière par un procédé chimique qui lui permettait de voir comme un chat. Ou plutôt comme une araignée, même si les araignées ne voient pas dans le noir... peu importe, c'est Angela l'inventeuse de génie et elle fait ce qu'elle veut. Son gadget avait identifié une présence alors, comme attirée par une mouche, la jeune femme se décida à approcher.

Pénétrant d'abord dans la propriété privée, elle escalada une barrière avec l'agilité de la danseuse qu'elle était et retomba en silence de l'autre côté. Elle marcha sur l'allée de graviers et s'arrêta sur le perron inactif de la propriété, ne sachant que faire pour arriver à l'étage supérieure.
Quand soudain, elle repensa à sa toile avec une étincelle de génie qui bondit dans sa mémoire. Alors elle pointa un coin du mur en hauteur et pressa ses paumes pour faire jaillir le fin jet de toile qui s'accrocha avec le "TWIP" bien sonore dont il était doté.

On repassera pour la discrétion...

A la force de ses bras, elle escalada la surface et se hissa au sommet tant bien que mal, maudissant ses bras de ne pas être aussi costauds que ceux de ces personnages de BD pour enfants, qui font ces actions avec facilité. Une fois en haut, la demoiselle se redressa et se colla à nouveau contre le mur, la double porte du balcon entrouverte, elle entendit un semblant d'activité à l'intérieur. Puis, vint le silence. Alors elle se risqua à jeter un petit coup d’œil en se penchant... tout doucement. "Boom boom boom", ce bruit ce n'était pas du bruit qui provenait de la baraque, c'était le bruit de son cœur amplifié par sa propre crainte qui se répercutait jusqu'à ses oreilles. Quand elle le compris enfin, la jeune femme se releva et s'engagea dans la maison. Tant qu'elle y était, si jamais on devait l'arrêter maintenant, autant rajouter violation de propriété sur son casier judiciaire.

Ainsi qu'effraction, Angie...

La décoration de la maison avait comme un air épuré. Un bibelot par-ci, deux bibelots en moins par-là, des trucs manquants à droite, des trucs manquants à gauche.

...et cambriolage, conclu-t'elle.

Avant de penser à quoi que ce soit d'autre, l'araignée se raidit sur place en entendant du bruit. Pas celui de son coeur cette fois, autre chose qui venait de l'intérieur de la maison. Elle se tassa sur elle-même et profita de sa couverture, un fauteuil en toile vert émeraude, pour vérifier ses lances-toiles qui indiquaient qu'elle avait épuisé plus de la moitié de ses réserves. Génial... Elle patienta un instant à la recherche d'un autre bruit quelconque, mais rien ne résonna sauf le cœur détraqué de l'araignée qui ne s'arrêtait pas, comme une machine folle. Après un instant, elle se décida à emprunter le couloir devant elle à défaut d'avoir une autre idée.


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La soirée s'égrainait petit à petit comme un gigantesque sablier, laissant la belle faire ses premiers pas dans ce qu'elle qualifiera plus tard de musée des horreurs.
Plus elle avançait et plus elle constatait qu'il s'agissait d'une charmante demeure... cocasse, cependant, et d'un mauvais goût prononcé, se dit-elle en penchant la tête vers une peinture exposant un nu très vulgaire. Cette vulgarité lui donna la nausée, elle se sentait souillée au fond de son âme, simplement en étant spectatrice de ce spectacle très érotique. Elle tourna la tête, arqua un sourcil méprisant envers l'artiste et l'amateur d'art inconnu, et s'arrêta de fixer cette œuvre.

Ça ne lui manquera pas, tu ne crois pas ? lui demanda la petite voix dans sa tête -cette même petite voix qui s'exprimait avec la voix d'Angela- appelée conscience.
Non, opina-t'elle en marchant, la tête droite, tandis que sa main, celle côté tableau, caressa la toile rugueuse de ses griffes, meurtrissant à jamais et profondément cette œuvre incomprise.

-Oups, j'ai glissé... dit-elle en feignant la maladresse.

C'était bien mérité, pensa-t'elle, elle qui avait horreur de cette perversité dominante. Même si elle ne compris pas son geste, et ce qui l'avait poussé à faire ça, c'était quand même libérateur et ça faisait un bien fou, admit-t'elle.
Hormis cela, la maison était très belle et ressemblait à ces façades des magazines d'architectures, ces maisons parfaites qu'un riche propriétaire sans aucun goût finit par acheter pour en faire une maison close. Elle ne souhaitait pas juger qui que ce soit, mais c'était trop tard, son esprit spéculait déjà sur des théories toutes plus grotesques les unes que les autres. Une maison d'un parrain du crime, par exemple. Non... Absurde, un parrain de la mafia et puis quoi encore, une star des films pour adulte ? Ça par contre, c'était Possible, oui. Quoi qu'il en soit, qui qu'il soit, sa peinture ne devrait pas trop lui manquer, pas plus que les petits bibelots qui avaient été embarqué à droite et à gauche. La poussière dessinait les contours d'objets manquants un peu partout sur les étagères et autres meubles, à partir de là c'était facile à deviner qu'il manquait quelque chose, et c'était pas plus dur de dire qui les avait embarqué.

Son observation passée, Angela continua d'avancer, en silence, d'un pas de velours, se contentant de regarder droit devant elle et de tendre l'oreille. Le calme plat, plus rien, plus aucune activité perceptible. Un silence de mort régnait ici et son angoisse se développait légèrement à l'idée de rester seule, seule ou pensant l'être, dans ce lieu qui donnait un gros malaise.
La belle chassa ses démons, elle traversa le couloir et n'ouvrit aucune porte sur son passage. Une à droite, une autre à gauche, et autant de doute concernant la mystérieuse rôdeuse qui arpentait peut-être encore cette maison.
L’oppression de la situation accentuait le malaise qui ne l'avait pas quitté lors de cette soirée.

Angie traversa un autre couloir, un escalier plongeait vers l'étage inférieur, elle préféra l'ignorer, guidée par elle ne savait trop quelle raison, combiné à un sentiment de peur qui cognait dans sa poitrine. Confuse, elle ne compris pas quel était son rôle actuel. Que fait un héros quand il assiste à un délit ? Il agit en conséquence. Son rôle était d'arrêter le ou la voleuse... et de lui demander où elle avait trouvé ce grappin trop génial !

"Du calme, Angie, du calme. Tout d'abord, fais déjà en sorte que la police ne t'arrête pas, pour commencer."

Maison vide. Effraction. Seule. Faire demi-tour, maintenant. La voix de la raison la rattrapait. Alors elle se hâta de rejoindre l'entrée du balcon, qu'elle atteignit plus rapidement que ses bifurcations dans le couloir de tout à l'heure. Une fois au point de départ, alors qu'elle s’apprêtait à sortir, elle la vit. Son cœur s’accéléra un instant puis, confirmant ce qu'elle voyait, elle commença à se détendre. Une fille dans une tenue noire, marchait en direction de Spider-woman, quand elle s'arrêta, surprise de trouver quelqu'un dans cette maison qu'elle croyait vide. La jeune adolescente, entre 15 et 17 ans à tout casser, avait fait une bonne pêche ce soir, constata Angela qui fixait avec insistance le sac qu'elle tenait ainsi que le fouet, accroché à sa ceinture, reboulé sur lui-même comme un serpent assoupi. Remarquant qu'il était impoli de fixer de la sorte, elle détourna la yeux lorsqu'elle entendit enfin la jeune fille parler.

-Je ne te connais pas toi. Et pourtant, j’ai entendu parler de pas mal de héros comme de criminels. Du coup, qui es-tu petite araignée ?

Si sa tenue était adorable, dans le genre voleuse-friponne, sa voix aurait presque pu laisser échapper un cri de tendresse de la bouche d'Angela, ce qui aurait pu être ridicule. Alors elle se retint, tant bien que mal et se racla discrètement la gorge pour chasser ce début de tendresse qui s'installait déjà en elle. Quant à la question qui es-tu petite araignée... C'est vrai, qui était-elle, au final ?

(Mon nom ? C'est vrai qu'il m'en faudrait un, je n'y ai pas pensé.)

-Tu peux m'appeler Spider-woman, si tu veux, dit-elle après réflexion. Spider-woman, ça sonnait bien, et ça deviendrait officiel après avoir déposé le nom de marque... ainsi que le logo, oui, lui aussi méritait d'être sous copyright. Trêve de plaisanterie, ce genre de pensées n'est pas permis en cette situation, il y avait bien plus grave en jeu.

« Si tu viens ici pour cambrioler ce connard, désolée, mais j’ai ramassé le plus gros. Si tu es une justicière, ben, passe ton chemin. Ce type est un criminel et il ne mérite pas ta protection. »

-Un criminel ? Non, je ne suis pas là pour lui. J'ignore qui habite ici. En fait, je t'ai juste suivie... parce-que... peu importe.

Elle marqua l'arrêt, réfléchissant au fait de devoir arrêter une gamine qui avait toute sa vie devant elle, une jeune, une innocente... "Qui cambriole dans une maison, Spider-Woman..." Certes... Oui, une innocente qui cambriole dans la maison de quelqu'un, de peut-être pas innocent de son côté, où est le mal ?

« Je suis comme Robin des bois, si tu veux savoir donc si tu as du cœur pour les pauvres, laisse-moi partir. »

Les pauvres ? C'est quoi cette histoire ?

"Elle ment ! Tu dois l'arrêter, Angela !" la poussa cette voix, sa voix, celle qui agissait dans sa tête. Mais ce n'était pas ses pensées à elle, qu'est-ce que c'était ? La blonde masqua son anxiété en respirant du mieux qu'elle pouvait sans donner l'impression d'être un bœuf. Elle se tint la tête d'une main, fixant toujours la gosse qui n'attendait qu'une seule occasion pour prendre la fuite avec son pactole. D'une voix pas assurée, elle articula: "Rentre chez toi, ma grande, et ne t'arrête pas en chemin, ne te retourne pas. Tu peux partir." fit-elle en s'écartant de la sortie vers le balcon.

Elle hésita un instant, sentant un piège de la part de l'araignée puis, ne voyant rien se profiler à l'horizon, se hâta de disparaitre, prononçant quelques mots qu'Angela n'entendit pas. Perdue dans ses pensées, la blonde luttait contre cette voix qui s'amplifiait et qui ne cessait de hurler de la tuer. "Tue-la, tue-la, tue-la !"
Puis, plus rien, le calme revint, laissant la jeune femme perdue avec elle-même.





PS: Désolé du retard, en espérant que ça te plaise
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